AU TEMPS DE LA GRÈCE ANTIQUE





I - LA GRÈCE AUX CENT PEUPLES

Elle a cent peuples, et mille rivages. Pour aller d'une ville à l'autre, en Grèce, le plus court, le plus sûr, le plus facile est toujours de prendre le bateau. Car la Grèce est une chaîne montagneuse très découpée, avec des sommets de plus de 2 000 mètres d'altitude (le Parnasse, l'Olympe), et qui plonge directement dans la mer Égée. Les plaines sont minuscules et séparées les unes des autres par des barrages montagneux ; des défilés étroits permettent de communiquer, difficilement, d'un pays à l'autre.

Du nord au sud, ces pays sont très individualisés au nord, une sorte de trident montagneux, la Chalcidique, sépare les montagnes de Thrace -, qui courent à l'est jusqu'aux détroits du Bosphore et de l'Hellespont -, de la riche plaine de Macédoine, à l'ouest, où les chevaux paissent à l'aise dans l'herbe haute. La Macédoine est séparée de la plaine riche en blé de Thessalie, plus au sud, par le massif compact de l'Olympe, qui barre la route aux envahisseurs. Les plis transversaux du Pinde séparent, vers l'ouest, la Thessalie de l'Épire, pays aride et montagneux. Il faut franchir l'étroit défilé des Thermopyles pour atteindre, en venant du nord, la Béotie, pays de Thèbes et l'Attique, pays d'Athènes. Il faut franchir les monts du Parnasse pour envahir le territoire de Delphes, aimé des dieux. Il faut enfin franchir l'isthme de Corinthe si l'on veut pénétrer dans la grande presqu'île montagneuse du Péloponnèse où les villes sont nombreuses et puissantes : Corinthe au nord, Olympie à l'ouest, Sparte au sud, Mycènes, Argos et Épidaure à l'est.

La Grèce des îles est encore plus variée : certaines sont immenses et balisent, en quelque sorte, la mer
Égée. C'est le cas de la Crète et de Rhodes, qui la ferment au sud ; de Samothrace, Lemnos et Lesbos, les dernières étapes avant l'entrée des détroits qui conduisent à la mer Noire. Les côtes de la Grèce continentale sont elles-mêmes flanquées d'îles : Corfou et Ithaque à l'ouest, la grande île de l'Eubée à l'est. Des archipels ponctuent la mer Egée, d'un bout à l'autre, de chapelets d'îles montagneuses, plus ou moins fertiles : les Sporades au nord et au sud-est, les Cyclades au centre.

A - LES PREMIERS GRECS

Riche en chèvres plus qu'en vaches, en ânes plus qu'en chevaux, le territoire grec a été peuplé plus par des marins que par des agriculteurs. Pourtant tout ce qui pouvait être cultivé l'a été, en blé, en vigne, en olivier. Le climat ensoleillé permet des récoltes partout où la terre peut s'accrocher au rocher. C'est vers 2000 avant Jésus-Christ - les Égyptiens ont alors derrière eux un millénaire de civilisation - que les premiers peuples, correspondant à ce que nous appelons les Grecs, arrivent dans la péninsule. Sans doute viennent-ils, par petites vagues successives, avec leurs femmes, leurs troupeaux et leurs enfants des grandes plaines de la Russie du Sud. Ils sont Aryens, ou Indu-Européens, comme les Iraniens, comme les Hittites. Ces envahisseurs occupent les terres et construisent les villages qui deviendront des villes fortes. Ces premiers Grecs, qui peuplent les vallées et les îles de 2000 à 1200 avant Jésus-Christ, sont appelés les Achéens. Ce sont les ancêtres des Grecs.

Ils s'installent de préférence sur les collines et les côtes du Péloponnèse. On a retrouvé des restes de leur civilisation à Mycènes et dans les villes proches de Tirynthe et d'Argos. On sait que ces Achéens ont envahi la grande île de Crète, déjà peuplée et civilisée, autour de 1400 avant Jésus-Christ. Ils sont donc allés aussi loin qu'ils le pouvaient vers le sud. Ils se sont aussi répandus vers l'est, en construisant des navires légers et maniables. Les premiers Grecs sont déjà des marins, et pas seulement des éleveurs de moutons et de chèvres. On les trouve très vite dans les îles de la mer Égée et jusque sur les côtes de l'Asie Mineure où ils assiègent et s'emparent de la ville de Troie, sans doute vers 1200 avant Jésus-Christ. Ces guerriers, dirigés par des chefs qu'ils appellent « rois », ont des chars, des armes de bronze, ils construisent des places fortes en utilisant des pierres géantes. Ils adorent des dieux et fondent des familles. Ils se font enterrer solennellement dans des tombeaux géants. On a trouvé des traces de leur écriture. Les premiers Grecs, les Achéens, ont une civilisation.

Ils sont bousculés, à partir de 1200 avant Jésus Christ, par une nouvelle grande vague d'envahisseurs venus du nord, les Doriens. Ceux-ci suivent exactement l'itinéraire de leurs prédécesseurs : ils gagnent le Péloponnèse en venant des bords du Danube. Ils ont des armes en fer et se conduisent en guerriers pillards. Ils prennent et détruisent les villes des Achéens. A leur tour, ils élèvent des cités, se font la guerre entre eux, développent les échanges maritimes avec les îles, reprennent les traditions et la religion des Achéens. Une fusion s'opère sur le sol de la Grèce, entre ses différents occupants.



B - LE RAYONNEMENT DE LA GRÈCE DES « CITÉS »

De 800 à 600 avant Jésus-Christ, la Grèce archaïque se met en place : des villes sont fondées partout où les hommes peuvent trouver des ressources. Elles sont indépendantes, plus ou moins riches. Les plus actives, les plus puissantes, créent des colonies loin vers l'est, sur la côte d'Asie, sur les bords de la mer Noire et même, loin vers l'ouest, sur les côtes de l'Italie du Sud, de la Sicile et jusqu'aux rivages de la Gaule (les Phocéens fondent Marseille). Dans ces petites villes, appelées « cités », on parle la même langue, on adore les mêmes dieux, on entend, le soir, les mêmes récits poétiques, ceux d'Homère, et de ses amis poètes. La Grèce de l'Iliade et de l'Odyssée devient un monde à part, qui se caractérise à la fois par son mode de vie et par une certaine manière de penser. Pourtant, la ville guerrière de Sparte, où tout est sacrifié à l'effort physique, à l'entraînement pour le combat, est déjà très différente de la ville plus maritime d'Athènes ouverte aux échanges grâce au port du Pirée, riche en blé et en oliviers grâce aux plaines côtières de l'Attique.

Les Grecs ont entre eux des rivalités incessantes, mais ils s'unissent, au Ve siècle, contre un danger commun venu d'Asie. Les grands rois perses, Darius puis Xerxès, prennent et occupent les villes grecques d'Asie et passent les détroits pour envahir la Grèce continentale. Les cités constituent une ligue commune et les Perses sont arrêtés, d'abord sur terre, par les Athéniens, à Marathon, puis sur mer, à la bataille de Salamine. Athènes, qui a animé la résistance des cités, fonde alors un grand empire maritime, d'Asie jusqu'en Occident. Au Ve siècle, elle est au faîte de sa gloire et devient un centre extraordinaire de diffusion de la civilisation dans tout le bassin méditerranéen, grâce à la richesse accumulée, à la paix retrouvée. Toutefois, les cités grecques, aussitôt victorieuses, reprennent leurs guerres fratricides. Athènes et Sparte s'affrontent longtemps dans la guerre du Péloponnèse. Il n'y a ni vainqueur ni vaincu. Mais l'ensemble des cités est sans résistance quand un nouveau danger, venu cette fois du nord, les détruit l'une après l'autre.

C - L'EMPIRE D'ALEXANDRE

Les rois de Macédoine, Philippe puis Alexandre, vont conquérir toute la Grèce à partir de 338 avant Jésus-Christ. Une nouvelle époque commence pour les cités grecques, qui avaient connu pendant deux siècles (les Ve et IVe siècles) la plus brillante des civilisations. Elles ne sont plus indépendantes : elles font partie de l'empire du plus grand conquérant du monde, le jeune Alexandre, qui porte sa domination vers l'est jusqu'aux confins de l'Empire perse, jusqu'en Inde. Alexandre une fois mort, ses lieutenants se partagent son empire qui s'émiette à son tour. Les Romains n'auront plus tard aucun mal, de 150 à 30 avant Jésus-Christ, à récupérer l'héritage de ces monarchies hellénistiques.

D - L'INVENTION DE LA DÉMOCRATIE

L'indépendance et la prospérité de la Grèce sont de courte durée (de 500 à 338 avant Jésus-Christ, soit cent cinquante ans environ). Pourtant les Grecs ont profondément marqué la civilisation par un apport original : certes ils ont, comme d'autres peuples, des esclaves et limitent strictement le droit d'entrée dans leurs cités. Mais les citoyens grecs sont des hommes libres, qu'ils soient rameurs, paysans ou cavaliers. Ils inventent une forme de gouvernement promis à un certain avenir, la démocratie, ou gouvernement du peuple par le peuple. Ils élisent leurs magistrats, leurs juges et leurs généraux. Le peuple d'Athènes rend lui-même la justice. La liberté est le bien qu'ils estiment le plus. Leurs cités ont des constitutions, des lois que nul ne peut enfreindre.

Ils inventent ou reprennent, pour en faire des ensembles logiques et cohérents, les connaissances accumulées par d'autres peuples (les Égyptiens, les Assyriens, les Babyloniens). Ils ont les premiers philosophes, les plus grands mathématiciens du monde antique. Ils inventent le théâtre et la poésie épique, l'éloquence et la comédie. Leurs sculpteurs et leurs architectes créent dans les villes un décor à la mesure de l'homme, avec les marchés entourés de portiques, les cimetières dont les tombes sont décorées de sculptures, les rues pavées, les acropoles où se dressent de nombreux temples. Les dieux des Grecs franchissent les mers : on adore Apollon en Asie et Artémis à Marseille. Pour la première fois dans l'histoire du monde, l'art, la science, la pensée se détachent des contraintes de la vie matérielle. Les Grecs ont inventé l'amour de l'homme, le culte des valeurs humaines, ce que l'on appelle humanisme : leur plus grande découverte est celle du respect qui est dû, par l'homme, à l'homme.

II - À LA BONNE FORTUNE DES VENTS

« Celui qui dépasse le cap Malée abandonne sa patrie », dit un proverbe grec. Le cap Malée, c'est l'extrême pointe sud-ouest du Péloponnèse. Pour un Grec, aller vers l'ouest, vers les « portes d'Hercule » (notre détroit de Gibraltar) est encore plus risqué que d'aller vers l'est. Au Ve siècle avant Jésus-Christ, la navigation en mer reste une aventure.

Il faut deux mois au moins pour parcourir la Méditerranée d'ouest en est, en longeant les côtes, à une vitesse moyenne de trois à cinq nœuds (1 nœud = 1,852 kilomètre à l'heure).

Seuls les navigateurs très hardis vont directement de Crète en Égypte, et cinq jours de traversée sont nécessaires. Les autres font du cabotage, de port en port. Les navires marchands, lourds et ronds, sont plus lents. Les navires de guerre, ou trières, dépendent moins des vents, car ils disposent de nombreux rameurs.

Le pilote, à la poupe, gouverne son navire en tenant bien en main un aviron pivotant. Il se dirige sur les étoiles, quand commence ou finit la nuit car, le plus souvent, les marins ne prennent la mer qu'à l'aube, et tirent le navire sur la grève tous les soirs. Les rameurs doivent souquer ferme quand le vent ne souffle pas et, par gros temps, le bateau tout entier est inondé par les paquets de mer. Si la tempête est trop forte, il faut s'abriter derrière un promontoire. Mais il s'agit de faire vite, sinon le bateau coule. Les naufrages en mer, certaines saisons, sont très fréquents, lors des tempêtes d'équinoxes par exemple.
Les pirates sont de plus en plus rares, surtout depuis que la police des mers athénienne, équipée des célèbres trières, les prend en chasse dès qu'ils se trouvent signalés. Ainsi les vaisseaux marchands, qui ne font jamais plus de 400 tonnes, peuvent partir librement, du Pirée, le port d'Athènes, de Corinthe ou d'Égine pour aller chercher le blé d'Égypte, les métaux de la mer Noire, les esclaves d'Occident.

Les distances par mer pour les marins grecs :
- Le Pirée-Lesbos : trois jours.
- Le Pirée-Byzance : six jours.
- Le Pirée-Sinope : dix jours.
- Le Pirée-Panticapée (mer d'Azov) : 12 jours.
- Crète-Égypte (en direct) : cinq jours.
- Rhodes-Égypte : quatre jours.

III - LES MINES ET LA MONNAIE

Pendant longtemps, les Grecs ignorent la monnaie. Ils échangent une armure contre deux bœufs, et même une femme pour trois ânes. Au VIIe siècle avant Jésus-Christ, ils commencent à se servir, pour leurs échanges, d'une curieuse monnaie nommée « obole » : une obole, c'est une broche en fer.

Peu à peu, ils découvrent l'usage de pièces de monnaie, plus commode, en argent, puis en or. Les Athéniens exploitent les mines de plomb argentifère du Laurion (région montagneuse de l'Attique, la péninsule de la Grèce où se trouve Athènes) et en tirent des « drachmes » : chacune pèse 4,36 grammes d'argent.

Les mineurs travaillent dans des galeries étroites, sans grande sécurité. Ils sont quelquefois éclairés par une lampe à huile, en terre cuite, qu'ils placent dans une anfractuosité de la paroi rocheuse. Les galeries n'ont jamais plus d'un mètre de hauteur ; on y travaille couché. Elles ne sont pas aérées, et rarement étayées. Les mineurs travaillent au pic, au ciseau. Le minerai si difficilement extrait est ensuite acheminé dans des sacs. Le travail des mines est le plus pénible de tous. C'est une activité où l'on trouve beaucoup d'esclaves.

Sur les pièces, on reconnaît la tête d'Athéna, la déesse de la Cité avec, au revers, son oiseau, la chouette. On appelle ces drachmes les « chouettes du Laurion ». Mais il y a aussi sur les marchés les « tortues » d'Égine et les « thons » de Cyzique, qui ne sont pas en argent, mais en électron (un mélange d'or et d'argent). A l'extérieur, chez les Perses par exemple, les « dariques », frappées de l'archer, sont en or pur. Les Grecs se procurent de l'or sur les bords de la mer Noire, en Andalousie, en Égypte, en Cyrénaïque (partie nord-est de la Libye), et dans tout l'Orient.

Fondeurs et forgerons sont très nombreux au port du Pirée, où les navires marchands rapportent leur chargement de minerais de toute la Méditerranée. L'étain vient de Phocée ou d'Espagne, le cuivre de Chypre et encore d'Espagne. Les minerais sont raffinés et concassés avant d'être embarqués. A Chypre, il faut douze heures de chauffe pour fondre, à plus de 1 000° C, le cuivre qui est réduit en plaques transportées à dos de mulet. Ces plaques sont ensuite raffinées dans des fours d'argile à haute température pour être débarrassées de leurs scories. On obtenait ainsi du cuivre presque pur. Mais les Grecs de Chypre gardaient jalousement, comme tous les métallurgistes, leurs secrets de fabrication.

Les Grecs avaient ainsi découvert et exploité la plupart des métaux connus, y compris le charbon de terre de la mer Noire, près d'Hérakléia.

Le système des monnaies d'Athènes :
- Drachme : 4,36 grammes d'argent.
Pièces d'une, de deux, de quatre et de dix drachmes.
Deux unités de compte (sans monnaie) :
- la mine qui vaut cent drachmes,
- le talent qui vaut soixante mines, soit six mille drachmes.
La drachme a des monnaies inférieures :
- l'obole : six oboles pour une drachme.
- la triobole : une demi-drachme.
- la diobole : un tiers de drachme.
L'obole est fractionnée en demi-obole, en pièces de trois quarts (tritémorion), du quart (tétratémorion) et du huitième (hémitétratémorion).

IV - LE BLÉ, LE MIEL ET L’OLIVIER

Les Grecs manquent de terres à culture. Ils sont obligés de s'expatrier, de fonder des colonies lointaines pour trouver le blé nécessaire à leur alimentation. La campagne de l'Attique est pauvre, les plaines sont rares et les propriétés très morcelées.

Autrefois, en effet, il y avait de grandes propriétés en Grèce, et des vastes terres pour la chasse et l'élevage. Mais, par le jeu des héritages, elles ont disparu dans la campagne d'Athènes, où les paysans disposent de lopins insuffisants pour nourrir leur famille.

Ils fabriquent eux-mêmes leurs charrues à soc de bois, les araires tirés par des bœufs quand ils sont riches, le plus souvent par des ânes ou des mulets. Le grain est battu sur une aire dallée où les mulets, attachés à un piquet, tournent pour le sortir des épis. Puis les femmes le broient dans des mortiers de pierre. Les paysans fabriquent ainsi leur farine et cuisent leur pain. Ils ne vendent à la ville que les surplus.

Les familles habitant près d'Athènes fournissent à l'Agora les légumes de consommation familiale : les choux, les lentilles, l'ail et les oignons, et même les melons et les citrouilles dont les graines sont venues d'Égypte. Les femmes livrent au marché les fleurs cultivées pour les cérémonies religieuses ou familiales. C'est aux femmes qu'incombe également la filature de la laine des moutons, et elles confectionnent longtemps les tissus des vêtements.

La vigne et l'olivier enrichissent le paysan. Le vin fort de l'Attique, qui se boit dilué dans l'eau, est d'un bon rapport, ainsi que l'huile d'olive, fabriquée avec des pressoirs rudimentaires. Les figues aussi se vendent bien, ainsi que le miel de l'Hymette (montagne au sud-est d’Athènes), le seul sucre dont disposent les Athéniens. Les paysans savent attirer les abeilles et recueillir le miel en enfumant les ruches. Ceux qui ont la chance d'en produire gagnent plus d'argent que les éleveurs de porcs ou de bovins, rares en Attique, faute de prairies.

Les boissons des Grecs :
- L'eau des sources.
- Le lait de chèvre.
- L'hydromel, mélange de miel et d'eau.
- Le vin doux.
- Le vin mélangé à l'eau salée et à divers ingrédients (aromates, menthe cannelle, thym) : c'est le vin « résiné » d'aujourd'hui.

V - VIVRE À ATHÈNES AU Ve SIÈCLE

La population d'Athènes vit, très nombreuse, sur un espace limité. La ville, entourée d'une enceinte fortifiée, mesure un kilomètre et demi de long d'est en ouest. Les habitants s'entassent dans ses dix mille maisons dont bien peu sont des habitations collectives. Il existe un quartier riche, au nord, celui de Scambonides, où l'on a construit de belles demeures de pierre, avec des portiques. Mais la plus grande partie des maisons d'Athènes sont modestes, collées les unes contre les autres, faites de torchis, de bois, de brique crue, de cailloux pris dans le lit des fleuves. Elles n'ont pas de fenêtres, mais des lucarnes ; pas de toit, mais des terrasses. Celles-ci sont pourvues de citernes, car la ville est très mal alimentée en eau et en fontaines.

Les rues sont sales et tortueuses. Et les routes, pour entrer dans la ville, fort étroites : deux chars ont du mal à se croiser ! La cité a été construite sans plan d'ensemble, au pied de la ville haute, l'Acropole, où l'on a bâti de superbes monuments publics. Les baraques qui s'amoncèlent sur l'Agora sont de planches et d'osier. Le marché ressemble à un souk. Les platanes abritent, sur l'Agora, une population qui couche en grande partie à la belle étoile, faute d'avoir un toit.

On jette les eaux usées et les ordures dans les caniveaux. Elles sont ramassées par des armées d'esclaves boueurs, qu'il faut surveiller pour qu'ils n'aillent pas les déposer à moins de dix stades (environ 1500 m) des murs de la ville. Les mouches, les puces, les moustiques, les rats se reproduisent facilement dans les bourbiers des rues, qui ne sont pas éclairées la nuit et où les ménagères, le jour, font leur cuisine sur des braseros. Aussi, n'est-il pas étonnant que la peste, au temps de Périclès, y ait fait des milliers de victimes. La misère de la foule dépenaillée des quartiers populaires contraste singulièrement avec l'harmonie des monuments grandioses de l'Acropole, où dominent les temples des dieux.

La plupart des Athéniens sont locataires de leurs petites maisons. Quand ils ne peuvent payer leur loyer, le propriétaire fait enlever la porte. II peut aussi faire retirer les tuiles du toit ou boucher le puits. Les insolvables, expulsés, viennent grossir l'armée des clochards, très nombreux.

Les murailles des maisons d'Athènes sont si mal construites qu'il est plus facile, pour les voleurs, de les percer que de forcer la serrure de la porte ! On appelle les cambrioleurs les « perce-murailles ». La police, dont l'effectif est faible, ne peut les retrouver tous.

Le barbier, à Athènes, ne manque jamais de clients. Seuls les hommes fréquentent son échoppe et se font couper les cheveux court. Certains portent la barbe. Les enfants, jusqu'à l'adolescence, gardent les cheveux longs. Les esclaves sont tondus.

Les Athéniens se lavent dans les bains publics. Pour disposer de baignoires individuelles, ils payent une redevance au maître de bain. L'eau est rare et le charbon de bois est cher ! On détache la crasse du corps avec un grattoir ou strigile, puis on se frotte avec de l'huile.

VI - L’AGORA DES MARCHANDS

De très nombreux petits commerçants se pressent sur le marché d'Athènes, l'Agora. Des cloisons séparent, sous les allées ombragées, au pied de l'Acropole, les quartiers réservés à chaque marchandise. Car le marché, comme le plus souvent en Grèce, a lieu en plein air.

Les paysans de l'Attique viennent vendre leur huile d'olive, leurs fruits, leurs légumes. Les Thébains arrivent à dos de mulet de la lointaine Béotie pour offrir aux Athéniens leur gibier recherché, leurs volailles et leurs poissons, particulièrement les anguilles du lac Copaïs. On rencontre aussi sur l'Agora, des marchands de grains au détail, d'ail et de fruits. Les bouchers et les charcutiers, les boulangers et les marchands de fromage payent à la ville un droit pour vendre et s'engagent à respecter les poids et mesures. On les accuse bien souvent de tricher. Il est vrai qu'ils perdent les bénéfices des ventes en risquant des drachmes dans les combats de coqs, où les parieurs font rarement fortune !

Le choix est difficile, entre le lièvre de Béotie et le poisson du pêcheur. On trouve au marché les énormes thons et les espadons, les sardines et les anchois dont les Grecs sont friands. La viande est rare et chère. Les porcs sont vendus aux charcutiers qui les tuent sur place et les débitent immédiatement aux clients.

Sur l'Agora, on vend aussi les esclaves. Athènes en compte jusqu'à 300 000 ! Ils travaillent pour l'État, les administrations, les travaux publics. Un manœuvre coûte deux cents drachmes. La vente se fait aux enchères. Les esclaves sont aussi achetés par les familles pour les tâches domestiques, et également par les petits artisans. On se procure les esclaves en Thrace, en Asie Mineure, sur les bords de la mer Noire. La vente à Athènes se fait une fois par mois à la nouvelle Lune.

Le grand commerce, dans les villes grecques, n'est pas laissé au hasard, car il faut assurer la survie de centaines de milliers d'hommes. Les petites plaines de l'Attique sont incapables de nourrir les 500 000 habitants d'Athènes, dont 200 000 sont des familles d'hommes libres ou de métèques (à savoir, les étrangers vivant dans les cités grecques). On doit faire venir de loin la nourriture nécessaire et surveiller les approvisionnements. Les réserves de la Halle au blé du Pirée doivent suffire aux besoins de la cité. Elles sont remplies par les gros négociants qui sont tenus de faire livrer les grains d'Égypte, de Sicile et du Pont-Euxin (l'actuelle mer Noire) à Athènes.

Outre l'orge et le blé, les grands négociants ont à fournir l'industrie en matières premières. C'est eux qui font venir le vermillon (le sulfure de mercure ou cinabre) de l'île de Keos, indispensable aux teinturiers, le bois de Thrace (nord-est de la Grèce) pour les chantiers maritimes, les minerais et métaux raffinés de toutes les colonies des bords de la Méditerranée et de la mer Noire. Ces marchandises s'entassent dans le port du Pirée.

Les poids et mesures en usage à Athènes :
- 1 : Mesures en terre cuite de toutes contenances, de 3,25 litres à 1,70 litre,
- 2 : Poids en bronze marqué de la tortue (127 grammes).
- 3 : Poids en bronze marqué de l'osselet (810 grammes). On reconnaît donc le poids à la figure.

VII - PETITS MÉTIERS ET GRANDS TRAVAUX

On est cocher de père en fils, à Athènes. Ou ciseleur, ou corroyeur, ou charpentier. Le savoir-faire se transmet dans les familles et l'apprentissage permet d'être initié aux secrets du métier. Dans les villes, les petits métiers sont très nombreux. Les citoyens libres se réservent les moins pénibles, les mieux payés. Ils laissent les autres aux étrangers (les métèques) et aux esclaves.

L'État lui-même engage de nombreux ouvriers pour ses programmes de grands travaux. Pendant des dizaines d'années, l'Acropole d'Athènes et les longs murs d'Athènes au Pirée fournissent du travail aux tailleurs de pierre, aux forgerons, aux conducteurs et charroyeurs, aux terrassiers et aux charpentiers. La ville est un chantier perpétuel et l'on doit faire venir les ouvriers de l'extérieur. Ils commencent le travail au chant du coq, le terminent au crépuscule, pour un salaire d'une drachme par jour quand ils n'ont pas de spécialité, quand ils « louent » leurs bras. Ils chantent en travaillant ; quand ils sont nombreux, le patron loue des musiciens qui jouent d'une sorte de flûte (aulos), un instrument considéré comme l’ancêtre du hautbois, pour rythmer l'effort. Ceux qui ne vont pas assez vite peuvent être punis de la peine du fouet. On châtie également les voleurs ; ainsi ceux qui, travaillant chez un pâtissier, dérobent les gâteaux !

Le labeur est aussi pénible dans la métallurgie ou dans la céramique. Le quartier athénien appelé Céramique regroupe les potiers, qui font venir l'argile des carrières du cap Colias, à dix kilomètres de la ville. Ils ajoutent de l'ocre ou du vermillon pour qu'elle devienne rouge et la travaillent sur des tours rudimentaires. Les pièces modelées sont séchées au soleil et décorées à la main par des peintres spécialisés, dont les plus renommés signent leurs œuvres. Les forgerons, les menuisiers, les tisserands fabriquent et vendent tous les objets de la vie quotidienne. Les tailleurs de pierre font venir du Pentélique, dans la montagne de l'Attique, un marbre d'une grande qualité dont les pierres sont acheminées sur des traîneaux de chêne.

VIII - DES ARTISTES EXTRAORDINAIRES

Du VIe siècle au IVe siècle avant Jésus-Christ, pendant trois cents ans, les commandes ne manquent pas aux peintres et aux sculpteurs pour décorer les temples, les sanctuaires, les monuments civils, ainsi que les maisons privées que l'on commence à construire. Des écoles d'art se constituent avec des maîtres vénérés. Mais au Ve siècle on connaît bien Phidias, même si son chef-d'œuvre, le Zeus d'Olympie, a disparu. On connaît encore mieux Praxitèle, qui a fait l'Aphrodite de Cnide, et Callimaque, l'inventeur du chapiteau corinthien et de la draperie « mouillée », qui colle au corps des danseuses, et Crésilas qui laisse un buste de Périclès, et Scopas qui multiplie à Éphèse les statues pathétiques, aux visages angoissés. Ces œuvres figurent aujourd'hui dans les plus grands musées du monde. Celles des peintres ont disparu. Les maîtres, qui pratiquaient aussi bien la peinture à l'encaustique (peinture faite de couleurs délayées dans de la cire fondue, employées à chaud puis retravaillées avec une spatule métallique chauffée), la peinture sur buis que la fresque, avaient pourtant une immense réputation.

Les peintres sur céramique n'étaient pas moins illustres. Ils signaient leurs œuvres, employaient un vernis noir à base d'oxyde de fer et des couleurs très variées (blanc, jaune, pourpre, bleu) pour peindre des figures historiques (le siège de Troie, les exploits d'Hercule), des chasses, des scènes de gynécée (l’appartement réservé aux femmes chez les Grecs anciens). Par les vases et surtout par les petites statuettes de Tanagra (du nom du village), produites en quantité près de Thèbes, en Béotie, on connaît mieux la vie quotidienne des Grecs : il y a des statuettes d'écoliers, de joueuses de cithare, de gosses jouant aux osselets, de boulangers faisant le pain.

D'autres artisans contribuent à embellir la vie de tous les jours : les bijoutiers et les joailliers d'Athènes réalisent d'admirables colliers, bracelets, bagues en or en argent, avec les lapis-lazulis d'Égypte et les pierres d'Orient ; les ciseleurs et les bronziers multiplient les vases et les coupes en bronze ; ceux de Corinthe inventent le miroir à boîtier. Ainsi, le goût pour l'art est manifeste, jusque dans les objets de la vie quotidienne.

 

Différents types de vases

Les vases sont variés :

1. Lécythe, vase funéraire.

2. Peliké, amphore évasée vers le bas.

3. Skyphos, timbale à anses.

4. Coupe à boire.

5. Lécythe aryballistique, vase à huile ou à parfum,

6. Canthare, vase à boire.

7. Œnochoé, cruche à verser.

8. Hydrie, cruche à trois anses.

9. Stamnos, vase pour conserver les liquides.

10. Amphore.

11. Cratère pour mélanger le vin.


Les vases sont décorés après avoir été séchés au soleil. On a d’abord peint des figures noires sur fond rouge de terre. Puis on a eu l’idée d’enduire tout le vase de peinture noire, sauf l’emplacement des figures, dont on avait au préalable dessiné le contour. On pouvait ensuite les peindre à l’aise.


IX - LES CITOYENS ET LA DÉMOCRATIE

Athènes compte, au Ve siècle, 40 000 citoyens sur une population de 500 000 personnes environ. En effet, pour être Athénien, il faut être né de père et de mère athéniens. Et les magistrats de la ville accordent de moins en moins facilement le droit de cité. S’ils accueillent volontiers les étrangers, ils leur font un statut spécial, inférieur, celui de métèques. Ceux-ci sont libres de travailler et de gagner de l’argent, mais ils ne peuvent acheter la terre et sont exclus de la vie politique, tout comme les esclaves.

Dès son plus jeune âge, l’Athénien est rattaché à une circonscription administrative, le « dème », dont il porte le nom toute sa vie, qu’il appartienne au dème urbain du Céramique, à Athènes, ou au dème rural de Marathon, dans la plaine de l’Attique. Le chef de son dème (le démarque, aujourd’hui le maire) l’a inscrit sur la liste des citoyens. Quand il aura vingt ans, une fois revenu de l’armée (le service militaire dure deux ans), il pourra voter.

Car la cité d’Athènes est une démocratie, c’est-à-dire un gouvernement direct du peuple par le peuple. Les citoyens, réunis dans une assemblée unique, l’ « ecclésia », votent les lois et contrôlent les magistrats, à savoir ceux qui sont élus ou désignés par le sort pour diriger la cité. Cette assemblée, qui se tient sur la colline de la Pnyx, peut contenir 20 000 personnes. En fait, 6 000 présents seulement sont nécessaires pour qu’une séance soit légale. Les citoyens qui assistent aux travaux de l’assemblée, ou ceux qui assument les charges de magistrats, touchent une indemnité journalière.
 

Au tribunal populaire, l’Héliée, dont tous les citoyens font partie, on vote en utilisant des jetons.

Le disque à tige pleine (1) signifie : acquittement.

Le disque à tige creuse (2) : condamnation.

Le citoyen héliaste, membre du tribunal, a sur lui une sorte de carte d’identité (3).

Pour voter l’ostracisme, il inscrit le nom de la victime sur un tesson de terre cuite, un ostrakon (4)


Tout citoyen, à l’assemblée du peuple, peut demander la parole. Il place alors sur sa tête la couronne de myrte, et dispose d’un temps de parole mesuré par la clepsydre, à droite de la tribune. Quand l’eau s’est écoulée d’une amphore dans l’autre, il doit avoir terminé. S’il fait orage, les travaux de l’assemblée sont interrompus.

Les Athéniens préfèrent parfois bavarder sous les platanes de l’Agora plutôt que d’aller s’occuper sur la Pnyx des affaires de la cité. Pour les contraindre à se rendre en séance, les archers scythes de la police rabattent la foule à l’aide d’une corde enduite de peinture rouge. Les retardataires sont ainsi marqués et frappés d’une amende.

La désignation des juges et de leur affectation aux audiences du tribunal de l’Héliée, se fait par tirage au sort. On introduit les jetons de bronze, portant les noms des héliastes, dans les fentes d’une ingénieuse machine appelée clérôtérion. Puis des dés noirs et blancs sortiront de la machine pour désigner les noms des juges.

Les magistrats les plus importants sont élus pour un an : il s’agit des neuf archontes, pour les fonctions civiles, et des dix stratèges, qui commandent l’armée et la flotte. Périclès, qui dirige longtemps la politique d’Athènes au Ve siècle, n’est jamais que l’un des dix stratèges élus. Les magistrats qui n’ont pas la confiance du peuple peuvent être chassés de la cité par la procédure de l’ostracisme. On peut être ainsi exilé pour dix ans, simplement parce que l’on est soupçonné d’ambition ou de tyrannie.

X - LA FAMILLE EST SACRÉE

Les hommes doivent se marier et avoir des enfants (surtout des garçons pour assurer la descendance). A vingt ans, le père du jeune homme lui choisira sa femme ; celui de la jeune fille fournira la dot. Quand les futurs époux seront fiancés, par simple promesse verbale devant témoins, ils pourront se marier.

Avant son mariage, la jeune fiancée, qui n’a parfois que quatorze ans, consacre aux divinités protectrices les jouets et les objets de son enfance. Puis elle ira se purifier en prenant un bain dans l’eau de la fontaine Callirhoé, que l’on transporte dans un vase spécial, le loutrophore.

Les noces ont lieu en général l’hiver, un jour de pleine Lune. Après le repas chez les parents de la fiancée, une procession se forme et accompagne le couple, installé sur un char attelé, à la maison du futur époux. Au son des cithares et des flûtes, le rituel « chant d’hyménée » s’élève du cortège. Le jeune homme « enlève » la mariée pour la conduire, selon l’usage, dans son nouveau logis.

La maison où un enfant est né doit être purifiée. On répand de la poix (substance résineuse extraite du pin ou du sapin) sur ses murs. Rien n’oblige une femme à garder son enfant : elle peut interrompre sa grossesse avec le consentement de son mari. Elle peut aussi « exposer » le nouveau-né en l’abandonnant dehors dans un vase d’argile. Mais si l’on voit au seuil d’une porte un rameau d’olivier, on sait qu’un garçon est né, et qu’il sera reconnu. Si c’est une bandelette de laine, cela indique la naissance d’une petite fille.

Quant le nouveau-né a été accepté par la famille, le père ne peut plus s’en débarrasser. Il lui donne le nom de son propre père. Dans certaines villes, le père, avant de reconnaître son fils, le trempe tout nu dans l’eau glacée pour voir s’il est assez robuste. A Sparte, on le baigne dans du vin.

Entre le cinquième et septième jour qui suit la naissance, le nouveau-né, dans les bras du père ou de la nourrice, est porté autour du foyer, symbole de la famille. C’est la fête familiale des Amphidromies. Le bébé est maintenant chez lui, reconnu par les siens.

Les enfants sont élevés à la maison, jusqu’à l’âge de sept ans. Ils ont des animaux domestiques et des jouets d’argile. Les bébés prennent leurs repas sur des chaises en poterie décorée. Les meilleures nourrices viennent de Sparte. Elles laissent les enfants nus, sans maillots.

Cependant, la vie familiale s’organise essentiellement autour du culte des ancêtres. Les Athéniens, ainsi que tous les autres Grecs, ont le devoir d’assister les vieillards de leurs familles jusqu’au dernier moment. Les dieux punissent les familles qui ne rendent pas le culte aux ancêtres, sur l’autel situé à l’entrée de la maison, où l’on place parfois les images des morts. Aux jours anniversaires, toute la famille se rend au cimetière pour présenter aux défunts des sacrifices. On offre du lait et du vin dans des vases au fond percé, pour que le liquide puisse nourrir le défunt.

On fait la toilette funèbre du mort que l’on habille de vêtements bleus. Il est ensuite entouré de bandelettes, enveloppé dans un linceul et exposé sur un lit d’apparat, le visage découvert. Sa tête, couronnée de fleurs, est placée sur un coussin. Autour de lui, la famille en habits de deuil se lamente, entourée de pleureuses professionnelles. On enterre ensuite le mort, avant le lever du soleil, pour que sa vue ne gêne pas les dieux. Il peut être inhumé ou brûlé sur un bûcher. On place alors ses cendres dans un vase, l’urne funéraire.

XI - AU CŒUR DU LOGIS

La plupart des maisons d’Athènes sont pauvres et sans confort. Elles n’ont ni cheminée, ni eau courante. Pour faire du feu, l’hiver, on déplace avec une perche une tuile du toit ; la fumée peut ainsi s’échapper. Seuls les riches ont des conduits pour fumée, ce que nous appelons des cheminées. Les pauvres font cuire leur nourriture dans la rue, et se lavent aux bains publics. Les belles maisons des quartiers aisés comptent toujours un étage. Les pièces du rez-de-chaussée ne s’ouvrent pas sur la rue, mais sur une cour intérieure entourée d’un portique à colonnettes. Dans ces salles, on donne les banquets, on y reçoit les amis. La famille s’y réunit pour prendre ses repas. Un cellier, soigneusement fermé à clef, contient les provisions de bouche ; seule la maîtresse de maison peut l’ouvrir. La cuisine est toute proche de la salle de bains, qui profite ainsi de la chaleur du four ou des fourneaux. Au premier étage se trouvent la chambre conjugale et l’appartement des femmes, le gynécée.
Les esclaves sont logés dans la maison, dans des réduits.

Les habitations ne comportent généralement pas de décorations. Leurs murs sont blanchis à la chaux, à l’extérieur comme à l’intérieur. Seuls les plus riches font orner l’intérieur de leurs salles de séjour de mosaïques ou de peintures. Ils possèdent aussi des tapisseries, des broderies, des plafonds lambrissés. Mais les Athéniens, qui vivent beaucoup à l’extérieur, n’abusent pas de ces décorations qui coûtent très cher. Ils ont un mobilier fruste : des coffres pour ranger les vêtements, des chaises et des tabourets pour s’asseoir à table. Leurs lits sont des cadres de bois, avec des sangles ; ils n’ont pas de matelas, mais de simples nattes de roseaux.

Les Athéniens dorment l’été dehors, sur les terrasses. Les femmes restent à l’intérieur des maisons, où elles surveillent les travaux ménagers et l’éducation des jeunes enfants. Il leur est interdit de sortir seules, même pour faire des achats. Les Athéniennes sont étroitement soumises aux hommes. Quand leurs maris reçoivent des amis à la maison, elles ne participent pas aux repas. Elles vivent dans le gynécée et se reçoivent entre elles.

Les jeunes filles s’élèvent entre elles et ne voient guère les garçons avant le mariage (si elles sortent, c’est en compagnie de leur mère). Elles portent les cheveux longs et les tressent longuement le matin. Les esclaves vont chercher à la fontaine l’eau de leurs ablutions.

Seules les femmes pauvres font elles-mêmes le pain de la famille. Mais les plus riches ne dédaignent pas de mettre la main à la pâte, pour faire les galettes de froment, par exemple. La cuisine est chaude, vivante, accueillante. Souvent, une belette apprivoisée chasse les souris.
La maîtresse de maison fait exécuter à ses esclaves des travaux de tissage de laine. Les couvertures aux belles couleurs sont pliées et rangées dans des coffres dont elle a les clés. Elles sont nécessaires l’hiver pour protéger des courants d’air, car la maison n’a pas de vitres à ses fenêtres.

 

Une maison grecque

Le rez-de-chaussée d'une grande maison grecque, au IVe siècle :

 

1. Porche d'entrée et vestibule.

2. Cour.

3. Autel.

4. Salle à manger.

5. Office.

6. Portique.

7. Cuisine.

8. Four ou foyer.

9. Salle de bains.

10 et 11. Salles de séjour.

12. Pièce du gynécée.

13. Atelier, magasin à vivres.



XII - GRAMMATISTES, MÉDECINS ET PHILOSOPHES

Au temps de Périclès, tous les citoyens d'Athènes apprennent à lire et à écrire. Pourtant, l'État n'intervient pas dans leur éducation, comme à Sparte, où les enfants sont confiés, dès l'âge de sept ans, à de rudes éducateurs qui leur enseignent les exercices du corps plus que ceux de l'esprit. Élevés à la dure, les jeunes Spartiates, garçons et filles, apprennent l'effort et l'endurance.

De sept à dix-huit ans, le jeune Athénien, s'il est de famille riche, est partout accompagné d'un esclave, le « pédagogue », qui l'accompagne en classe, lui fait réciter ses leçons et faire ses devoirs. Ayant quitté sa nourrice, qui lui racontait des histoires de loups-garous ou des fables d'animaux familiers, il se rend dans la maison du maître d'école (le grammatiste) chargé de lui apprendre, contre argent payé par la famille, à lire, à écrire, à compter. Il suit ensuite les cours du cithariste, également payants, afin d'apprendre la musique et le chant, ainsi que la déclamation des poèmes lyriques, ceux d'Homère par exemple. A partir de douze ans, il est inscrit dans une palestre, pour être initié, sous la direction du pédotribe, aux sports et à la gymnastique. On considère alors son éducation comme complète.

La palestre est une sorte de gymnase où le maître forme ses élèves à tous les exercices du corps. Ils se mettent entièrement nus, répandent de l'huile sur leur corps et s'entraînent à tous les sports, sauf la course à pied, qui doit être pratiquée dans un stade. L'instructeur, revêtu d'un grand manteau rouge, surveille leurs exercices, un bâton fourchu à la main. Au son de la flûte, les élèves, entraînés par les aînés, apprennent tous les sports connus des Grecs : de la lutte au lancer du javelot et du disque. Seuls les plus riches s'initient à l'équitation.

Les Spartiates entraînent aux sports les filles comme les garçons. Elles lancent le disque et le javelot, pratiquent, à moitié nues, la course à pied. Les Athéniens se moquent de ces « montreuses de cuisses ». Mais les jeunes Spartiates savent aussi danser et chanter.

L'enfant apprend à écrire sur des tablettes de bois enduites de cire, avec un stylet. Le maître lui fait reproduire les lettres de l'alphabet. Il lui enseigne ensuite les syllabes, puis les mots. On peut aussi écrire sur des feuilles de papyrus, avec un roseau fendu.

Ceux qui veulent en savoir plus, quand ils en ont les moyens, suivent les leçons très coûteuses des « sophistes », philosophes ambulants qui apprennent à raisonner, à convaincre, à chercher la vérité. S'ils habitent la Grande Grèce, ils peuvent se rendre à l'université des pythagoriciens, qui enseignent les mathématiques et la philosophie.

Les philosophes célèbres vont de ville en ville et dispensent des leçons grassement payées. Certains d'entre eux, les sophistes, sont fort riches. Leurs élèves favoris les suivent dans leurs tournées de conférences à travers toute la Grèce.

C'est un philosophe, Platon, qui ouvre à Athènes sa première université, l'Académie. Un orateur, Isocrate, crée une école d'éloquence, pour former les citoyens à l'art de faire des discours. Les futurs médecins apprennent leur métier en Grèce d'Asie. Le plus célèbre d'entre eux, Hippocrate, était né dans l'île de Cos dans le Dodécanèse.

Les médecins grecs pratiquent les saignées et disposent d'instruments de chirurgie. Ils posent des ventouses en bronze aux malades atteints d'affections pulmonaires et préparent des emplâtres à base de plantes pour toutes les blessures.

Les gymnases, les armées, ont leurs médecins, qui commandent des drogues aux pharmacopoles, ces pharmaciens d'Athènes qui connaissent le pouvoir des plantes.


XIII - LA PASSION DU JEU

Les hommes se réunissent fréquemment dans des banquets où l'on joue de la cithare, de la lyre, ou de la flûte, en déclamant des poésies. Les femmes sont exclues de ces agapes où l'on boit des vins lourds, auparavant étendus d'eau dans de grands vases, les cratères. Mais des danseuses viennent, à la fin du repas, distraire les convives fatigués, qu'il faut souvent raccompagner chez eux en les portant, au petit matin, à la grande colère de leurs épouses ! Il est vrai qu'il existe également des banquets de femmes. Mais elles sont plus modérées dans leurs libations !

Les distractions ne manquent pas en ville, et d'abord sur les marchés où se produisent les équilibristes, les jongleurs et les mimes, ainsi que les marionnettistes. Les jeux de hasard passionnent les Grecs. Les combats d'animaux suscitent des paris. On dresse des coqs, on les gave d'ail et d'oignon pour les rendre plus combatifs, on fixe à leurs ergots des éperons métalliques et on les oblige à se battre à mort. Les combats des chiens contre les chats sont aussi pratiqués. Les hommes jouent aux dés, au jeu de « pair impair » avec des pièces de monnaie, et au jeu de l'oie. Ils aiment sortir des villes pour pratiquer, l'été, la chasse et la pêche. Le gibier est rare dans les campagnes de l'Attique et il n'est pas commode de chasser le lièvre à la fronde ou à l'arc. Les chiens sont spécialement entraînés pour l'attirer dans des filets. Le chasseur assomme ensuite le lièvre à coups de gourdin. Pour capturer les cerfs et les sangliers, on les attire en attachant des agneaux bêlant au-dessus de fosses profondes. On piège les perdrix et les cailles. Les enfants pêchent les ablettes à l'hameçon ou à la nasse.

Cette passion pour les loisirs et les jeux est cultivée dès le plus jeune âge. Les enfants possèdent des jouets variés : poupées d'argile ou bruyantes crécelles... Entre eux, ils s'amusent à la balle et aux osselets, attellent des chiens à de petits chariots et apprennent très vite à sculpter des bateaux en bois, à construire des châteaux en terre glaise. Les filles des familles riches ont même des poupées articulées !

Les enfants jouent au yoyo, un double disque en bois ou en céramique, actionné par une cordelette. Ils poussent des balles avec des cannes recourbées, comme pour le hockey, et jouent aussi au cerceau. Les jeunes Grecs connaissent la toupie, la balle, la marelle, la balançoire. Les garçons jouent aux billes en utilisant des noix ; ils édifient une petite pyramide avec trois noix, qu'ils visent avec la quatrième. Le gagnant empoche toutes les noix. Les filles font aussi des exercices d'équilibre sur des planches basculant sur de grosses bûches. Elles apprennent à jongler avec des balles de cuir remplies de son.

Les jeunes Spartiates, eux, reçoivent une éducation très dure. On leur rase les cheveux, et ils vivent nus hiver comme été. A douze ans, ils n'ont plus de vêtements, sauf un manteau, pour les grands froids. On les nourrit volontairement mal, afin qu'ils apprennent à voler pour survivre. Très jeunes, ils sont habitués à marcher sans chaussures. En plein hiver, les jeunes gens se baignent dans l'eau glacée. Ils ne craignent pas de se frotter vigoureusement le corps et de plonger dans l'Eurotas, quand la campagne est enneigée.

XIV - AU THÉÂTRE

Les Athéniens se lèvent tôt le matin pour occuper les meilleures places. Il y a souvent des bagarres, car les premiers gradins sont réservés aux magistrats, aux prêtres, aux privilégiés de la cité. Il faut apporter de quoi manger et boire, car la journée sera longue : quatre pièces qui s'enchaînent, avec des danses et des récitations de poèmes. A Athènes, les grandes fêtes de Dionysos durent quatre jours : trois pour les concours de tragédies, un pour les comédies.

Pour cela, les citoyens les plus riches d'Athènes doivent payer un super-impôt, la chorégie, afin de faire jouer des pièces de théâtre en l'honneur de Dionysos, dieu venu d'Asie, qui symbolise la vie, l'ivresse et la création. Nommés chorèges, les gros contribuables recrutent les chœurs comiques et tragiques, les chanteurs et les comédiens qu'ils doivent entretenir, habiller, parer, préparer pour le spectacle auquel doivent assister tous les habitants de la cité : les citoyens, bien sûr (on donne aux plus pauvres des places gratuites sur les gradins), mais aussi parfois leurs femmes, - placées, toutes ensemble, sur les gradins les plus élevés -, les jeunes gens, les métèques. Seuls les esclaves sont exclus.

Aussi, gare au chorège qui ne choisit pas de bonnes pièces ! Il est hué par la foule, qui manifeste bruyamment sa joie quand la pièce est bonne. Les poètes en provenance des autres villes de Grèce ne manquent pas pour participer aux concours. On les sélectionne, on leur demande de mettre eux-mêmes leurs pièces en scène et d'engager le maître des chœurs. Celui-ci recrute les joueurs de flûte et les chanteurs. En 472, Périclès choisit ainsi le grand poète Eschyle qui donne cette année-là les Perses à l'Acropole...

Les comédiens sont tous des hommes. Ils sont masqués et obéissent à l'acteur principal, appelé protagoniste. Même dans les comédies d'Aristophane les rôles de femmes sont tenus par des hommes : le théâtre est avant tout une cérémonie religieuse, dont les femmes sont exclues. Après les représentations, le poète, le chorège et le protagoniste vainqueurs reçoivent leur récompense : une simple couronne de lierre, mais un prestige immense dans toute la Grèce !

L'Odéon est un petit théâtre où l'on auditionne poètes et musiciens, et où ont lieu des concours de musique. De jeunes joueurs de cithare donnent ainsi souvent des concerts devant leurs « juges ». Ils chantent des vers de leur composition.
 

De gauche à droite :

un masque de tragédie, représentant le personnage d'Hercule ;

un acteur comique ;

un masque de comédie ;

une piécette de plomb (face et revers) : le ticket d'entrée pour le théâtre. Les citoyens pauvres ne payent pas. Les autres doivent verser deux oboles.


Pendant la grande époque de Périclès, le théâtre d'Athènes était en bois. Mais on a construit, dans toute la Grèce, de nombreux théâtres de pierre. Au centre, l'autel et l'orchestre circulaire où évolue le chœur. Les acteurs jouent sur la scène, surélevée. Derrière la scène, les loges.

Les théâtres grecs étaient aménagés en plein air, ordinairement sur les pentes d'une colline.
Il faut distinguer dans le plan ci-dessous :
 

- la skénè : ce n'est pas notre scène mais le mur du fond, à un ou deux étages.

- l'autel du dieu Dionysos

- le proskénion qui se détachait de la skénè et où jouaient les acteurs

- l'orchestra, partie circulaire au pied de la skénè où évoluait le chœur

- le thumélé représente la scène proprement dite sur laquelle évoluaient les acteurs.

- les parodoi par où entrait et sortait le chœur

- le théatron : toute la partie des gradins


XV - LES JEUX DU STADE

Dès l'enfance, les Grecs s'entraînent aux compétitions sportives qui sont encouragées par les cités. Aussi, des concours ont lieu dans les villes et dans les grands sanctuaires où l'on vient en foule pour adorer Zeus ou Apollon.

Le sport le plus populaire est la lutte, pratiquée dès l'âge de dix ans. Le pancrace en est une curieuse version, qui attire toujours les amateurs de sports violents : tous les coups sont permis, sauf de crever les yeux de l'adversaire ! Les combattants se roulent dans la boue (la terre, fraîchement remuée, a été aspergée d'eau) et se tordent hardiment les membres. Le combat cesse quand l'un des deux lutteurs lève le bras, épuisé. On pratique aussi la boxe, en s'enroulant des bandes de cuir autour des poings.

Les enfants apprennent le saut en longueur en tenant dans leurs mains des haltères de pierre ou de métal, qui leur permettent de bien calculer les mouvements des bras. C'est au son de la flûte que les sauteurs, haltères au poing, s'entraînent donc dans le stade. Elles pèsent jusqu'à 5 kilos. Un athlète aurait battu le record du saut en longueur en faisant un bond de 16 mètres, à Crotone. Dans les jeux, sont aussi courants les concours de disques, qui peuvent peser jusqu'à quatre kilos. On lance également le javelot. Mais les épreuves les plus recherchées sont les courses dans les stades, longs de deux cents mètres en moyenne.

Six coureurs prennent généralement le départ. Ils ne mettent pas le genou en terre, mais attendent le signal, pieds rapprochés, le corps fléchi en avant. Le champion remporte l'épreuve de la course de vitesse sur double parcours (2 fois 200 mètres), il sera couronné alors de branches d'olivier.

Tout athlète emporte au stade un flacon d'huile et une éponge. La poussière, pendant l'exercice, s'est incrustée sur son corps enduit d'huile. Aussi se décape-t-il à l'aide d'une sorte de racloir en bronze, le strigile. Il se lave ensuite à la fontaine.

Les fêtes d'Olympie ou Jeux Olympiques avaient lieu tous les quatre ans au sanctuaire de Zeus, dans le Péloponnèse. Même les esclaves pouvaient y assister, mais non les femmes mariées. Ces festivités attiraient tous les hommes illustres de Grèce et, naturellement, tous les parieurs, friands de courses de chevaux ! Les plus riches, comme Alcibiade, entretenaient des écuries qui remportaient aisément les grands prix. En 416 avant Jésus-Christ, il fit courir, à Olympie, neuf chars attelés de quatre chevaux. Alcibiade avait gagné les plus belles couronnes. Car la fin des épreuves, qui duraient sept jours, était marquée par une procession solennelle, un grand banquet et la proclamation des résultats par le héraut. Les vainqueurs, dont les noms devenaient célèbres dans la Grèce tout entière, étaient vénérés comme des héros.

XVI - LES ARCHITECTES CHANGENT LA VIE

Les architectes, en Grèce, sont les maîtres des arts. Ils érigent sur l'ensemble du territoire les temples des dieux. Le célèbre sculpteur et architecte Phidias, qui travaille à Athènes sous Périclès, organise de gigantesques travaux sur l'Acropole et fait construire de somptueux temples tout en marbre. Dépensant plus de 2 000 talents (12 millions de drachmes, soit plus de quatre fois le budget annuel de la confédération d'Athènes), il donne ainsi du travail à une armée de carriers, de marbriers, de tailleurs de pierre, de peintres et de sculpteurs. « J'ai réalisé, disait Périclès, dans l'intérêt du peuple, ces grands projets de construction, ces travaux destinés à occuper longtemps diverses industries. »

En l'honneur de la déesse Athéna, Phidias fait édifier le Parthénon sur le point le plus élevé de l'Acropole. Cinq architectes mettent quinze ans (de 447 à 432) pour réaliser ce chef-d'œuvre, entièrement construit en marbre pentélique. Mais les sculpteurs ont dû représenter, rien que pour les 160 mètres de frise courant en haut des colonnes, quatre cents personnages et deux cents figures d'animaux.
Athènes élève à ses dieux des monuments orgueilleux. Les autres villes rivalisent d'efforts, en Sicile surtout, où se construisent les grands temples d'Agrigente et de Syracuse - et dans les sanctuaires : Olympie édifie son temple de Zeus, comme Delphes a réalisé celui d'Apollon. Des villes de faible importance politique comme Égine, Argos ou Bassæ, une petite bourgade située dans le Péloponnèse, trouvent les moyens de construire des temples superbes.

C'est que les dieux et les déesses - Athéna, Héra, la femme de Zeus, Zeus lui-même et Apollon - soutiennent les hommes qui les honorent en donnant le meilleur d'eux-mêmes pour leur construire des temples. Aucun Grec ne regrettera jamais les milliers de drachmes investies dans le Parthénon. Non pour la gloire d'Athènes, mais pour le bien des hommes. Car celui qui a vu une fois la statue de Zeus à
Olympie, disaient les Anciens, ne peut plus être tout à fait malheureux. Par l'art, les architectes d'Athènes avaient changé la vie.

Depuis les blocs entassés, comme par des cyclopes, des forteresses de la Grèce primitive (telles qu'on les a retrouvées à Mycènes ou à Tirynthe), jusqu'aux murs polis, finis, parfaitement lisses des temples de l'Acropole, il y a une longue évolution.

A gauche, les différents types d'« appareil » des pierres ou des blocs de marbre. Polygonal (1), rectangulaire isodome (dans lequel les pierres présentent toutes des faces de hauteur et de longueur identiques) (2), pseudo-isodome (3), avec parpaings et carreaux (4).

A droite, les tuiles de Laconie (5), et de Corinthe (6), avec les antéfixes (ornement de toit) (7), de bordure de toit, en terre cuite peinte.



Murs et tuiles

Les blocs de marbre, soigneusement taillés, sont levés grâce à un treuil et mis en place avant d'être scellés les uns aux autres par des crampons en plomb. Ils sont joints rigoureusement et l'on ne voit plus les crampons, recouverts par d'autres blocs.


Il y a deux styles de temples grecs : le dorique, robuste et continental, avec ses larges colonnes ; l'ionique, plus gracieux, avec ses chapiteaux à volutes et ses fûts de colonnes plus minces. Le chapiteau corinthien, avec feuilles d’acanthe, sera employé après l'âge classique.




XVII - DES CITÉS SUR LE PIED DE GUERRE

Pour sauver son indépendance, toute cité grecque doit se faire respecter des autres, et pour cela entretenir en permanence une garnison d'hommes armés. Ceux de Thèbes, au IVe siècle, forment un « bataillon sacré » de 300 soldats, qui suffisent à inspirer la terreur.

Chez les Grecs, la guerre est naturelle. Elle exprime les rapports entre les États et les petites cités rivales. Athènes, Thèbes, Sparte sont des villes guerrières, qui mobilisent leurs citoyens pour en faire toute leur vie des soldats, de 18 à 60 ans. Ils sont cavaliers ou fantassins - les hoplites - armés du casque et de la cuirasse et défendent leurs cités sur le champ de bataille. D'abord contre les envahisseurs perses, avant de se battre les uns contre les autres, en des guerres fratricides.

Les Spartiates sont les plus exigeants. De 16 à 20 ans, leurs jeunes gens subissent une formation intensive. Puis ils sont incorporés dans l'armée, où ils restent jusqu'à 30 ans sans pouvoir exercer leurs droits civiques, et, s'ils sont mariés, leurs devoirs conjugaux ; car ils couchent sous la tente, mangent et dorment avec leurs camarades. Les cinq régiments d'hoplites de Sparte étaient redoutables sur les champs de bataille par leur adresse à manœuvrer, leur endurance aux marches et contremarches (mouvements d'une armée contraires aux mouvements antérieurs), leur obstination dans les combats.

Les Athéniens subissent un entraînement aussi poussé, mais leur attirance pour le métier militaire est moins grande. Ils ont, avec le commerce et l'entreprise, d'autres sollicitations. D'ailleurs Athènes est redoutable, surtout sur mer. Mais il lui faut quand même des soldats pour se défendre ; aussi impose-t-elle à tous les jeunes gens de 18 à 20 ans - les éphèbes - un sévère entraînement avant de les incorporer dans son armée active, qui compte, en - 431, 13 000 hoplites et 1 000 cavaliers. Jusqu'à l'âge de 50 ans, ils peuvent partir en campagne si le pays l'exige. Athènes s'était donnée une armée en rapport avec ses ambitions. Elle payait, en plus, de nombreux mercenaires.

L'éphèbe, à Athènes, prêtait serment dans le temple d'une déesse très ancienne, Aglaure, au nord de l'Acropole, comme le voulait la tradition. « Je ne déshonorerai pas les armes que je porte, dit-il, et je n'abandonnerai pas mes camarades au combat ; je lutterai pour défendre les dieux et l'État. » A la fin de la première année du service militaire, les éphèbes recevaient leurs boucliers, en présence de l'assemblée du peuple réunie, pour la circonstance, dans le théâtre d'Athènes. On leur donnait aussi une lance, et ils étaient passés en revue par les stratèges qui commandaient aux armées.

Les éphèbes ont appris à lancer le javelot au cours de leurs études. C'est un des exercices que leur imposait, au gymnase, le pédotribe. Une fois au service militaire, on leur apprend à tirer avec force et précision, ainsi qu'à répondre, grâce au javelot, aux attaques des cavaliers. Ils tiennent garnison dans les forteresses autour d'Athènes et accomplissent, sous la conduite des officiers, de pénibles marches en Attique. Le service militaire dure deux ans. Puis ils rentrent chez eux, mais peuvent être levés, en fonction des besoins, chaque année pour une campagne.

La Grèce ne possède pas de chevaux et peu de cavalerie, car elle manque de prairies. A sa meilleure époque, Athènes ne peut aligner que 1 000 cavaliers. Elle importe les chevaux de Macédoine, où ils sont nombreux et vifs. Même les fantassins - les hoplites - apprennent au service militaire à monter à cheval. Ceux qui servent dans la cavalerie sont les jeunes gens des plus riches familles. La fourniture et l'entretien du cheval sont en effet à leur charge.

L'armée permanente d'Athènes au temps de Périclès :
- 13 000 hoplites.
- 1 000 cavaliers.
Armée territoriale de 1 400 éphèbes et de 9 500 métèques et de 2 500 vétérans pour la garde des ports et des forteresses.
Soit 27 400 hommes sous les armes.


XVIII - LA TECHNIQUE MILITAIRE

Pour vaincre, il faut frapper vite et fort, en attaquant l'adversaire à coups de javelots, avant de l'aborder au corps à corps, à l'épée.

C'est que les Athéniens, les Spartiates et les Thébains, qui ont les armées les plus fortes de la Grèce, ne comptent ni sur les cavaliers ni sur les machines de guerre pour se défendre, mais sur les jambes et les bras de leurs fantassins, les hoplites. En effet, les cavaliers servent à assurer des missions de reconnaissance ou à poursuivre l'ennemi en déroute.

Les épées sont courtes et larges, tranchantes des deux côtés. Le guerrier se protège la tête avec un casque, la poitrine avec une cuirasse de bronze, les jambes avec des cnémides (jambières faites en cuir ou en métal). Sa grande lance en bois de frêne, à pique métallique, mesure environ deux mètres. Il sait manœuvrer en bataille sans s'empêtrer dans l'armement, sous les ordres des dix officiers, les taxiarques, qui sont, à Athènes, nommés par le peuple.

C'est un magistrat, l'archonte polémarque ou troisième archonte qui est responsable de l'armée ; il n’est pas général, il est plutôt ministre de la guerre, et en a l'administration. Les généraux à la bataille sont toujours des stratèges, eux aussi nommés par le peuple.

Les Athéniens disposent d'unités d'infanterie plus légères, les peltastes armés de la pelte (petit bouclier d'osier en forme de croissant) ; les frondeurs qui lancent à deux cents mètres, avec précision, des pierres ou des boules de plomb et de bronze ; les archers aux bonnets pointus qui servent de valets d'armes aux hoplites et qui peuvent combattre à cheval. Quant aux archers scythes, qui assurent l'ordre dans la ville d'Athènes, ce sont plutôt des policiers que des soldats.

 

L'armée en ordre de bataille (1) comprend en son centre (A) l'infanterie lourde des hoplites et, aux ailes, l'infanterie légère (B) et la cavalerie (C).

 Dans un premier temps l'infanterie légère avance pour lancer ses javelots, puis elle se replie derrière les hoplites qui attaquent à leur tour, sous la protection des cavaliers (2 et 3).


Les Grecs ne connaissent pas encore des machines de guerre efficaces pour attaquer les forteresses, fort difficiles à emporter. Il faut alors les réduire à la famine par un long siège, ou se faire ouvrir les portes par trahison.
La tactique et la stratégie changent lorsque les Thébains, puis les Macédoniens, constituent les célèbres phalanges, masses de lanciers attaquant tous ensemble et bousculant tout sur leur passage. Mais il faut attendre la fin du IVe siècle... La phalange macédonienne est subdivisée en unités comprenant deux groupes de 128 fantassins chacun. Les hoplites se tiennent ordinairement à un mètre les uns des autres. Quand l'officier, ou taxiarque, donne le signal du combat, la trompette sonne et les hommes entonnent le péan, un chant de guerre.


La phalange macédonienne

XIX - LA BATAILLE

Pour tous les Grecs, la guerre est sacrée. Elle est voulue par les dieux qui en suivent avec passion les épisodes. On ne déclare pas la guerre sans les avoir consultés par des oracles. On n'engage pas le combat sans s'être assuré de leur accord. Ainsi, on a vu une troupe de Sparte se faire cribler de flèches sans réagir, parce qu'elle pensait que les dieux n'avaient pas donné leur assentiment.

La guerre se livre sur un champ de bataille, où l'on se dispose méticuleusement face à l'ennemi, en attendant l'heure de l'attaque. Le général en chef emporte toujours avec lui en campagne les images des dieux, et le foyer où brûle le feu de la cité. Il consulte les devins aussi souvent qu'il le faut. Les armées manquent parfois de médecins, jamais de devins !

La bataille peut durer plusieurs jours, mais elle se livre souvent en une longue journée. L'ennemi est attaqué vigoureusement, en ordre. S'il ne peut conserver son ordre, il est défait, et doit reculer. Il est alors assailli par les cavaliers, qui le poursuivent dans sa retraite. S'il se réfugie dans une ville assiégée, on brûle alentour les récoltes et l'on coupe les arbres fruitiers, les oliviers eux-mêmes, pour ne pas laisser à l'adversaire la moindre chance de survivre. La ville prise est incendiée, sa population massacrée ou emmenée en esclavage. Les blessés sont achevés sur le champ de bataille.

Après la victoire, l'armée enterre ses morts et laisse les survivants de l'adversaire enterrer les siens. Puis elle accroche à un tronc d'arbre les armes ennemies accumulées, constituant ainsi un trophée que l'on dédie aux dieux. Malheur à qui veut voler les armes suspendues aux trophées : elles sont sacrées ! Tout le reste du butin sert à faire des offrandes aux dieux. On leur élève des statues ou des « trésors » dans les grands sanctuaires de Delphes ou d'Olympie, ou de Délos.


Même les sanctuaires de l'adversaire sont pillés quand on prend une ville. Nul ne se sent tenu de respecter les dieux des autres. Car n'ont-ils pas abandonné les leurs dans le combat ? Les femmes et les enfants eux-mêmes sont massacrés, sauf s'ils sont pris comme esclaves.

Il est impensable, pour un Grec, de laisser ses compagnons tués au combat sans sépulture. On recherche soigneusement tous les hommes tombés pour les enterrer, après avoir retiré leurs cuirasses et leurs armes. Les Athéniens élèvent déjà des monuments à leurs morts.

Au temps d'Alexandre (IVe siècle avant Jésus-Christ), les Perses perfectionnent leurs machines et leurs chars de guerre. Des faux, assujetties dans l'essieu des roues, coupent les jambes des fantassins. Les Grecs d'Alexandre se sont d'abord laissés surprendre. Mais leurs archers ont réagi. Ils ont visé les conducteurs de chars, qui ne portent ni casques ni cuirasses. Les chevaux fous sont ensuite maîtrisés par des palefreniers ou valets d'armes.

Les grandes batailles livrées par les Grecs :
- 1230 ou 1225 : prise de Troie.
- 490 : Marathon. Victoire d'Athènes sur les Perses.
- 480 : Les Thermopyles. Victoire perse sur Léonidas. Salamine. Victoire navale des Grecs.
- 479 : Platées et Mycale. Victoires grecques sur les Perses.
- 406 : Les îles Arginuses (guerre du Péloponnèse entre Athènes et Sparte). Victoire d'Athènes.
- 405 : Aigos Potamos (guerre du Péloponnèse). Défaite d'Athènes.
- 371 : Leuctres. Victoire des Thébains d'Epaminondas contre Sparte.
- 362 : Mantinée. Mort d'Epaminondas. Les Thébains battus par les Spartiates.
- 338 : Chéronée. Victoire de Philippe de Macédoine sur les Grecs.

XX - LES FLOTTES DE GUERRE

Plus de quarante mille rameurs, gabiers (matelots préposés aux voiles et au gréement), soldats, marins étaient nécessaires pour équiper les deux cents trières d'Athènes au Ve siècle. Depuis la guerre contre les Perses et la bataille de Marathon, livrée en 490 avant Jésus-Christ, Athènes, à l'instigation de son stratège, Thémistocle, avait décidé d'être la première puissance navale, et de défendre son avenir sur mer. Elle aurait jusqu'à 400 trières !

Une trière, c'est un bateau de guerre long d'environ 40 mètres, large de 5 à 6, actionné par trois rangs de rameurs (170 au total) et pourvu, à la proue, d'un éperon capable de percer les flancs des navires adverses. La trière est en bois de pin, sauf sa quille (pièce qui s'étend sous la coque d'un navire, de l'avant à l'arrière, et qui soutient la charpente), qui est en chêne. Elle peut naviguer à la voile ; mais, au combat, les manœuvres doivent être d'une telle précision qu'elles ne peuvent être exécutées qu'à la rame.

Les rameurs sont des citoyens d'Athènes : les plus pauvres, ceux que l'on appelle les thètes (ce sont souvent des ouvriers et des paysans). On embarque aussi les métèques, plus rarement les esclaves. Le sort du combat dépend de l'adresse et de la discipline des rameurs. Ceux-ci, de chaque côté du navire, sont postés sur trois rangs. Ils ont des rames d'inégale longueur. Celles du banc supérieur mesurent plus de trois mètres de long ! Les rameurs suivent la cadence indiquée par des joueurs de flûte. Au son de cette flûte, ils poussent vers l'ennemi la lourde trière, commandés par le triérarque et ses officiers. Car la trière est payée par l'État, mais équipée et entretenue par les citoyens les plus riches, désignés chaque année par les stratèges.

Par ses trières, Athènes est pendant près d'un siècle la maîtresse incontestée de la mer Égée. Elle lance des expéditions jusqu'en mer Noire et dans l'extrême ouest. Instruments essentiels de la puissance d'Athènes, les trières sont aussi les auxiliaires principales des colonies grecques d'Orient et d'Occident. Pas plus que l'armée, la flotte n'attaque si les dieux ne sont pas favorables. Les navires portent des yeux magiques peints sur leur proue, pour conjurer le mauvais sort. On offre aux dieux des trophées navals après la victoire, et les marins d'Athènes, quand ils combattent sur des rivages proches de la cité,
comme à Salamine, gardent les yeux fixés sur le casque doré de l'Athéna porteuse de lance, qui surveille tous les combats.

Birème et trière

Cette monnaie athénienne (1), frappée en 306 avant Jésus-Christ, commémore une victoire navale : elle représente la proue d'un navire. Les birèmes, navires à deux rangs de rameurs (2), n'étaient pas rares. Plus légers que les trières (3), ils naviguaient plus facilement à la voile, en dehors des combats. La trière (présentée ici en position de combat) restait cependant vulnérable sur ses flancs. Un des objectifs de la bataille navale était de longer la trière ennemie pour briser d'un coup tous les rangs de rames. Ainsi désarmée, elle pouvait être éperonnée sans réagir. Cela demandait une grande précision dans la manœuvre, et l'homme qui commandait au gouvernail, le timonier, le faisait avec beaucoup d'adresse.


XXI - À CHACUN SON DIEU

Les dieux grecs sont partout. Sur terre et dans les eaux, au ciel et sur la lune, dans les chênes et les oliviers, dans les torrents et les tremblements de terre. Rien n'arrive sans la volonté des dieux. Zeus envoie la foudre, ou la pluie, Aphrodite, la passion amoureuse, Arès, le dieu de la Guerre, donne la victoire, ou, s'il est mécontent, la défaite. Poséidon, de son trident, a fait jaillir l'eau sur le rocher de l'Acropole à Athènes. Et si le blé pousse en Attique, c'est grâce à Déméter, qui libère, tous les ans, sa fille Coré, emprisonnée sous terre par Hadès. Et si les malades guérissent quelquefois, ils le doivent à Asclépios, l'enfant d'Apollon, qui les soigne dans leurs songes.

Les Grecs passent leur temps à conjurer le sort et à remercier les dieux. Ils le font collectivement, dans les cultes officiels des cités. Athéna, Zeus, Apollon reçoivent sur les autels des offrandes : libations de vin et de lait, gâteaux et pâtisseries, sacrifices de moutons, de chèvres, de brebis, de vaches et de taureaux, de porcs et de boucs. Les déesses préfèrent les femelles, de couleur blanche ou claire. Seul Hadès, dieu des Enfers, aime les taureaux noirs. Le matin de bonne heure, les prêtres égorgent les victimes parées de couronnes, dont les cornes (des vaches, des béliers) ont été dorées, enguirlandées de laine. Leur sang doit asperger l'autel. On offre au dieu un morceau de leur chair, puis les prêtres et l'assistance mangent le reste. Si l'on brûle toute la victime sans la manger, c'est l'holocauste, sacrifice offert aux morts ou aux dieux de l'Enfer. Si l'on immole cent bœufs d'un coup - quand le dieu est très exigeant - c'est l'hécatombe (de hécaton « cent » et boüs « bœuf »).

Comment alors ne pas se concilier les dieux à tout prix quand on part en mer ou en guerre ? Rien n'est trop beau pour les dieux. On essaie, à toutes forces, de discerner leurs intentions pour l'avenir, de les deviner. Cette divination, art des devins, est constamment pratiquée. On examine, dans les sacrifices, les entrailles des victimes, comme le vol des oiseaux et leurs cris. On interprète les songes. Et l'on paye très cher la Pythie de Delphes, une vieille paysanne inspirée par Apollon...

A Dodone, en Épire (nord-ouest de la Grèce), Zeus a un sanctuaire, près des chênes sacrés dont le feuillage donne des oracles. Le bruit du vent dans les branches est interprété par des prêtresses, les Péleiades, qui en tirent des conséquences pratiques pour les pèlerins.

A Épidaure, les pèlerins (qui sont aussi des malades) se couchent le soir sous le « portique d'incubation ». Pendant leur sommeil, ils doivent rêver que le dieu médecin Asclépios (Esculape) touche la partie du corps malade et donne des indications pour la guérison.

Souvent, au coin d’une rue, on couronne la statue d'Hermès, le dieu protecteur. (II y a des dieux à tous les carrefours d'Athènes.) Les formes de piété existent dans tous les moments de la vie quotidienne. Une armée ne traverse pas un fleuve sans faire une prière au dieu du Fleuve...

L'eau est rare en Grèce. Les sources, les fleuves, les grottes fraîches sont sacrés. Les sources sont hantées par des divinités féminines, les « nymphes ». Un grec doit se purifier, avant de traverser le cours d'eau, pour ne pas les offenser ; autrement elles se vengent.

La famille se réunit sur la tombe des morts, au jour anniversaire de leur décès. C'est l'occasion d'offrandes ou de libations. Malheur à qui ne rendrait pas leur culte aux morts ! Les cimetières grecs sont des lieux constamment fréquentés, situés à l'extérieur des villes.

XXII - LES CÉRÉMONIES AU RYTHME DES SAISONS

A Athènes, on célèbre des fêtes d'un bout de l'année à l'autre. Toutes ont un motif religieux. Chaque mois (l'année en comptait dix), un dieu se trouve honoré par une cérémonie qui est, le plus souvent, un prétexte à réjouissances.

L'année commençait en juillet, avec la grande fête nationale d'Athènes, celle des Panathénées, qui durait deux jours. Pour nourrir toute la cité, on égorgeait autant de bœufs qu'il était nécessaire. Tous les quatre ans, les « grandes panathénées » mobilisaient pendant quatre jours tous les habitants d'Athènes, y compris les métèques, pour la grande procession qui portait à la déesse Athéna abritée sous un temple, l'Erechthéion, le péplos (vêtement sans manches) brodé par les jeunes filles de la ville.

Le 25 mai, pour purifier la ville d'Athènes, on organisait une procession conduisant la vieille statue en bois d'olivier d'Athéna jusqu'à la mer, à Phalère. Elle était plongée dans les flots avec son péplos. Puis on lui offrait des gâteaux de figues sèches.

Après Athéna, Apollon : il était glorifié en octobre pour la fête des Semailles d'hiver. On lui offrait alors un plat de fèves. On l'adorait de nouveau en mai, car ce dieu purificateur devait, au printemps, chasser les souillures de la cité et conjurer le mauvais sort qui menaçait les récoltes. Au mois de mai donc, on choisissait deux hommes que l'on frappait à coups de branches de figuiers. On les chassait de la ville, pour éloigner les souillures et les impuretés. Ils étaient, en somme, des boucs émissaires. C'était la fête des « pharmacoï ».

Mais le dieu le plus populaire était Dionysos à la campagne, où l'on vénérait en lui le dieu du Vin et des Vendanges, comme à la ville, où l'on célébrait, en son honneur, les grandes Dionysies, pendant cinq jours, tous les ans, à la fin de l'hiver. On donnait à cette occasion les grands concours de poésie, de comédie et de tragédie.

Mais bien d'autres dieux inspiraient les Athéniens : les femmes célébraient solennellement, en excluant les hommes de leurs banquets, la déesse Déméter au mois d'octobre. Elles lui présentaient des sacrifices pour qu'elle leur donne, comme à la terre, la fécondité. Poséidon, le dieu barbu, était adoré en décembre, ainsi que Cronos, le père de Zeus, et son épouse Rhéa, qui commençaient l'année en recevant les prémices des moissons.

Ainsi les dieux n'étaient jamais seuls. Et toujours associés aux joies et aux terreurs des hommes. Il ne fallait pas qu'il y eût dans l'Olympe de dieux jaloux ni mécontents.

XXIII - TEMPLES ET SANCTUAIRES

Les Grecs construisent à grands frais des temples somptueux, comme à Athènes, Corinthe, Argos, Thèbes, en Asie ou en Sicile. Le plus vaste, celui de Sélinonte, a 113 mètres de long sur 54 de large. Depuis le VIIe siècle avant Jésus-Christ, ils sont en pierre, souvent en marbre, et font déjà l'admiration des voyageurs.

Ils sont tous bâtis sur le même modèle : autour de la grande pièce (ou naos) qui abrite la statue du dieu, avec son vestibule, des colonnades extérieures, un toit à double pente, un grand fronton sculpté. Mais les architectes font des prouesses pour leur donner des proportions idéales. Et la décoration des sculpteurs et des peintres les transforme en musées, que l'on vient admirer de loin. Le Parthénon et le temple de Zeus à Olympie portent les plus belles sculptures du monde grec : la frise des Panathénées et les travaux d'Hercule.

L’Acropole d’Athènes

Ci-dessus le plan d'un temple dorique de modèle classique.

1. Le péristyle.

2. Le pronaos (ou vestibule).

3. Le naos, entouré d'une colonnade intérieure.

4. La statue de la divinité.

5. L'opisthodome, ou salle du trésor.

 

    

Temple de Zeus à Olympie

Côté Est

Temple de Zeus à Olympie

Côté Ouest


Le sanctuaire de Delphes, accroché aux flancs du mont Parnasse, était traversé par la voie sacrée (trait sur la route) qui conduisait au temple d'Apollon. Au-dessus du temple, un vaste théâtre en pierre. Le sanctuaire contenait près de 3 000 statues, ex-voto et offrandes déposés en plein air, parfois abrités sous des portiques ou dans des édifices minuscules.


Le sanctuaire de Delphes


Les Grecs se retrouvent dans les grands sanctuaires où ils oublient leurs rivalités pour adorer Apollon à Delphes ou à Délos, Zeus à Olympie, Poséidon au cap Mycale. Ils rivalisent de générosité pour honorer les dieux, en leur offrant des trésors. Celui de Siphnos ou celui des Athéniens à Delphes est célèbre. Naxos avait élevé à Delphes une colonne de 10 mètres de haut, avec un sphinx au sommet !

Une paysanne assise sur un trépied : c'est la Pythie de Delphes. Dans le sous-sol du temple d'Apollon, on a fait brûler des feuilles de laurier. Les prêtres et consultants attendent dans une pièce voisine qu'elle dise l'avenir, inspirée par le dieu. Ses réponses sont toujours équivoques : ainsi questionnée par Crésus, le roi de Lydie (en Asie Mineure), sur ses chances de victoire face aux Perses, elle répond qu’un grand royaume sera détruit. Crésus est donc certain de gagner, mais « ce grand royaume » était le sien ! Il sera battu par Cyrus II en 547 av. J.-C.

Il y avait des jeux à Delphes, dont le temple, consacré à Apollon, était immensément riche. Mais les jeux les plus célèbres étaient ceux d'Olympie. Tous les quatre ans, depuis 776 avant Jésus-Christ, les meilleurs athlètes des villes grecques s'y rendaient pour tenter d'emporter les couronnes. La « trêve sacrée » permettait aux athlètes des villes ennemies de traverser toute la Grèce sans dommage. Tout le monde pouvait participer aux jeux, à condition d'être hellène. Olympie était ainsi le symbole de l'union des Grecs autour de leur foi. Ils ne venaient pas là, comme à Delphes, pour connaître l'avenir de leur cité, ni, comme à Épidaure, pour se soigner, mais simplement pour se sentir grecs.

XXIV - TABLEAU ET REPRÉSENTATION DE QUELQUES DIEUX DE L’OLYMPE



 

2. Héra. Femme de Zeus. Le paon, qui a décoré ses plumes avec les yeux d'Argos, lui est consacré.

3. Athéna. Est sortie toute armée du crâne de Zeus, son père. Protectrice et déesse d'Athènes, elle porte l'égide (peau de chèvre), la chouette et un bouclier à tête de méduse.

4. Hermès. Messager des dieux. Protecteur des voyageurs, des âmes des morts, il passe pour avoir inventé l'alphabet et les poids et mesures. C'est le dieu du Commerce… et des voleurs !

 

5. Pan. Dieu à pieds de bouc. Guérisseur et protecteur des troupeaux et des bergers. Il a inventé pour eux la flûte en roseau (syrinx).

 


1. Zeus. Dieu souverain. Symboles : l'aigle et la foudre.

 

9. Aphrodite. Déesse de l'Amour et de la Beauté, avec son emblème, la colombe.


10. Déméter. Déesse du Blé et de la Fécondité, elle tient un pavot, symbole du sommeil de la terre en hiver.


11. Apollon. Fils de Zeus, dieu de l'Harmonie, de la Lumière, de la Musique et de la Poésie.


12. Artémis. Sœur jumelle d'Apollon. Déesse vierge, responsable des morts soudaines. Elle ne pardonne pas les offenses. Déesse de la Chasse.


13. Hestia. Sœur de Zeus. Gardienne du foyer et de la flamme sacrée des autels.


14. Hadès. Dieu des Morts et des Enfers, dont la porte est gardée par Cerbère, le chien aux trois têtes, qui laisse entrer mais non sortir. Son épouse est Coré, la fille de Déméter.

 

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